« Je me préoccupe en permanence de la place de mon corps dans le monde, parce que je sais ce que les gens pensent et ce qu’ils voient quand ils me regardent. Je sais que j’enfreins la règle non écrite sur l’aspect qu’une femme devrait avoir. » Roxane Gay, Hunger.
Quand j’étais enfant, je dessinais des personnages qui étaient tous fins, comme ceux que je voyais partout. Un jour, je me suis rendue compte de ce que cela voulait dire, qu’une fille grosse comme moi ait dessiné tout ça, et j’ai trouvé ça triste. J’ai commencé à dessiner autrement, des personnes qui me ressemblent.
Chacune de mes images, que ce soit en dessin ou en peinture, est construite à partir de ce personnage. Je le situe dans une action puis dans un espace imaginé à partir de ceux que je fréquente dans ma vie et/ou dans des motifs répétés. Je travaille sans brouillon ni esquisse, directement sur le support. Autant que l’obsession sociétale est portée sur des corps minces, la représentation en art est centrée sur la prétendue objectivité photographique qui est omniprésente encore aujourd’hui dans la peinture et le dessin. Mon dessin envisage d’autres rapports formels, d’échelle et de proportion. Le contexte quotidien a une importance cruciale, le dessin prenant l’ampleur d’une méditation dans le lieu qui m’abrite.
« Le personnel est politique », je chemine dans ma propre histoire de femme grosse et crée des images qui pourront remplir le besoin de représentation d’autres, vivant une expérience comparable à la mienne.